Urgence à l’hôpital

Début avril 2020, alors que le confinement total a débuté depuis une quinzaine de jours, nous recevons un mail de Mathilde Puges, infectiologue au CHU de Bordeaux. Elle nous propose un projet inattendu : tenter de rendre compte en bande dessinée ce qui se joue à ce moment-là dans la vie de « son » hôpital.

Dans cet établissement comme dans beaucoup d’autres en France, l’état d’urgence sanitaire amène les services concernés par le COVID-19 à inventer des réponses nouvelles, à s’adapter, sans consignes nationales claires, sans budgets supplémentaires, sans expérience de ce genre de crise. Le résultat de cette urgence adaptative est spectaculaire. En quelques semaines, tout le personnel s’engage dans la création de nouveaux outils de réponse : une plateforme d’accueil téléphonique est imaginée pour répondre aux questions des professionnel·le·s de santé puis du grand public, des équipes mobiles sont montées pour aller dépister massivement dans les Ehpads, etc.

Se mobiliser

La mobilisation est générale, des chef·fe·s de service aux étudiant·e·s en médecine, en passant par les infirmier·e·s intérimaires, les urgentistes ou les médecin·e·s à la retraite qui reprennent du service. Beaucoup sont bénévoles.

Mais à l’hôpital, on voit bien que le traitement médiatique de la crise, massivement concentré sur le bilan quotidien des décès et le côté « héroïque » de la condition de soignant·e·s, peine à transmettre au grand public ce qui est véritablement à l’œuvre dans un système de santé déjà fortement mal en point avant que la crise COVID-19 n’éclate. D’où l’idée d’une autre approche, en bande dessinée. C’est ce que nous savons faire, chez The Ink Link : passer par la fiction en bande dessinée pour rendre compte du réel.

Écouter & raconter

Pendant les semaines qui suivent, de début avril à fin mai, les membres de The Ink Link ont organisé des visio-rencontres avec une vingtaine de soignant·e·s du CHU de Bordeaux, issu·e·s de différents services. Nous avons écouté leurs témoignages pour retranscrire, à travers dix récits de fiction, leurs combats, leurs espoirs, leurs doutes, leurs analyses, leurs inquiétudes.

Les dessinateurs impliqués dans le projet ont également pu assister aux entretiens, croquer les émotions sur le vif. En présentant tous les acteurs associés au projet (scénariste, dessinateur, chargée de projet), nous nous sommes placés dans une relation horizontale avec les soignant·e·s pour permettre la confiance, prouvant notre implication et valorisant leur parole. 

Au final, dix histoires courtes de quatre pages brossent un portrait sociologique poignant, témoignage réalisé dans l’urgence. Maître mot d’un ouvrage qui dépeint une crise inédite, et les trésors d’improvisation qui furent déployés pour y parer, dans la grande tradition de l’hôpital public, ce projet est aussi une façon de rendre hommage aux soignant·e·s autrement qu’en les applaudissant à la fenêtre tous les soirs à vingt heures.

Transmettre

Faire face permet de faire entendre les voix anonymes de gens qui ont tant à dire, mais qui, par conscience professionnelle, par amour de leur métier et de leur pays, par pudeur aussi, taisent souvent leur colère, leur dégoût, leur peine, leur sentiment d’injustice, leur lassitude jusqu’au jour parfois de leur démission. L’utilisation de l’humour et de la métaphore ont permis de retranscrire le ressenti complexe des soignant·e·s et de faire rentrer le grand public dans ce monde opaque qu’est l’hôpital, en montrant ce qui s’y passe réellement par delà les salles d’attente et les formulaires d’admission. 

En ce qui concerne la condition hospitalière, nous construisions un outil pour qu’on n’oublie pas, pour donner à voir cet État qui continue à demander beaucoup et, en face, ces professionnel·le·s hyper impliqué·e·s (et notamment les internes qu’on entend si peu, mais qui sont souvent en première ligne du soin) et porté·e·s par une très haute opinion de ce que doit être un service public. Aujourd’hui, le début de cette crise exceptionnelle nous semble déjà si loin et c’est pour cela que le devoir de mémoire est essentiel pour que les mauvaises décisions, les souffrances, les doutes, mais aussi les initiatives inédites, le dévouement et la solidarité qui régnaient alors alimentent le débat sur l’hôpital de demain.

Pour les soignant·e·s interrogé·e·s, mais aussi pour tous les autres soignant·e·s qui reconnaîtraient une partie de leur expérience, nous voulions que ce livre leur parle vraiment et libère leur parole, qu’ils puissent le tendre à leur famille ou à leurs amis en leur disant : « voilà, lis ça et tu comprendras ce que j’ai vécu pendant cette période où je ne vous racontais pas grand-chose de mes journées pour vous épargner les doutes, les souffrances, la fatigue… »

En avril 2021, un album en librairie

Grâce au succès de la campagne de financement participatif (420 %, merci !) et le soutien du mécénat de l’hôpital de Bordeaux, le 20 avril 2021, soit un an après le début de l’aventure, l’album Faire face : soignants vs COVID-19 sort en librairie.

Les dix histoires courtes ont été enrichies de ressources documentaires sur la crise vécue depuis l’hôpital, les biographies des soignant·e·s interrogé·e·s, un cahier graphique avec des croquis et des éléments inédits. 

Revue de presse :
11/11/20 : Sud-Ouest Bordeaux
12/11/20 : 9eArt
12/11/20 : Association Jeunes gériatres
13/11/20 : Aqui
Immunoconcept
20/11/20 : Le Monde
20/11/20 : BubbleBD
21/11/20 : La République des Pyrénées
25/11/20 : Fédération hospitalière de France
27/11/20 : Podcast First print
30/11/20 : Sud-Ouest Bordeaux
01/12/20 : Sparknews Newsletter « Les actus de La fabrique des récits : des confits de l’Avent ! »
02/12/20 : France Inter Popopop
07/12/20 : RCF Bordeaux
Virgin Radio Bordeaux
14/12/20 : Age village
15/12/20 : Podcast First Print Calendrier de l’avent
21/12/20 : Madame Le Figaro
21/01/21 : Sud-Ouest Bordeaux
03/04/21 : Sud-Ouest Bordeaux
07/04/21 : ABC Livre
12/04/21 : La Vie
19/04/21 : Sud-Ouest Bordeaux


Faire face, soignants vs COVID-19, de Wilfrid Lupano, François Duprat, Gaëlle Hersent, Miss Prickly, Sess, Mayana Itoïz, Ohazar, Mathilde Domecq, Laure Garancher, Weldohnson & Yannick Corboz (couverture de Wouzit), éd. The Ink Link, avril 2021


Gestion éditoriale de l’album.
Co-gestion du financement participatif sur Kisskissbankbank.
Co-gestion des relations presse de l’album.